Devenir qui je suis

Devenir qui je suis

Devenir qui je suis – B. Lamboy

Fiche de lecture

1. Retour à l’origine

L’existence n’est pas toujours tendre, loin de là mais elle sait comment rebondir. L’humain peut lutter contre, employer toutes sortes de ruses pour refuser le changement, s’accrocher au passé, tenter d’arrêter le temps et le mouvement naturel des choses. Il peut se sentir menacé parce que rien n’est jamais établi, que tout se rejoue d’instant en instant. S’il persiste à répéter ces mécanismes de contrôle, il s’essouffle, se cristallise, se sclérose. Il cherche inconsciemment une délivrance dans un sursaut de vie. L’approche centrée sur la personne est un procès qui peut l’aider à retrouver cette manière d’être à soi au contact de sa dimension actualisante.  Il a besoin de reprendre sa juste place et de devenir sujet de sa propre existence.

Le sujet dans son rapport à lui-même

  • L’humain, quand il retrouve ses attitudes fondamentales (empathie-congruence-regard positif inconditionnel) est au cœur de sa véritable nature.
  • L’humain a toutes les ressources en lui-même pour transformer en profondeur sa façon de penser, d’agir, de se voir et de voir le monde, il assure ainsi sa sécurité existentielle dans une conscience universelle.
  • L’humain, quand il quitte ses illusions, comprend qu’il est relié aux autres, qu’il ne peut exister dans un monde insulaire. Il se relie naturellement à l’écosystème dont il est une partie. N’étant plus séparé de son essence, identité et altérité convergent vers le mouvement de vie.
  • La raison d’être de l’être humain, estd’être de plus en plus lui-même, dans n’importe quelle situation au lieu de revêtir un rôle.
  • L’humain quand il est dominé par ses émotions n’est plus chez lui (il est hors de lui). Il a besoin de retrouver dans sa maison intérieure, ce lieu indemne. Ce lieu s’appelle le lieu d’origine d’évaluation parce qu’il est toujours là, intact car inatteignable par les vagues de la tourmente. C’est à partir de ce lieu qu’il pourra se renouveler.
  • L’humain, quand il peut se prémunir de ce qui a été altéré dans son rapport au monde, restaure son libre arbitre. C’est en connectant son sens corporel, qu’il retrouve sa capacité à se laisser informer  par ce qui est inscrit au plus profond de son être. Il a la potentialité de passer d’un état altéré à un état plus juste pour lui. Il peut se métamorphoser.
  • L’humain, au cœur du processus vivant, fait chanter l’unité sous-jacente (corps-esprit-monde-création). Dans l’entre des contraires indissolublement liés, il se démarque et trace sa propre voie.
  • L’humain tout en étant le même, devient autre. Il s’affirme dans une identité/altérité en métamorphose permanente. Il devient un monde ouvert sur l’advenir. Ce qui « est » coexiste avec ce qui « n’est pas » encore…

Le sujet dans son rapport au monde

  • L’humain n’est pas maître ni possesseur de la nature. Il se doit de cesser d’alimenter des rêves prométhéens.
  • L’humain se doit d’accepter l’évidence : l’Univers est démesurément grand. Au cœur du mystère cosmique, rien n’est absolument prédictible. L’aléatoire, l’imprévu, le hasard échappent à tout déterminisme.
  • L’humain a de puissantes racines cosmiques et terrestres. Il est le fruit d’un long processus. Il se doit de faire corps avec ce qu’il est par nature, relié à ce tout de manière implicite. Ce tout constitue son champ d’appartenance et de participation dans une connexion cosmique. Micro organisme, l’humain fait partie de cette danse cosmique. Le lieu de jaillissement de l’œuvre cosmique sur Terre est en chacune des espèces. L’humain a la capacité d’observer sa propre expérience dynamique cosmique.
  • L’humain peut s’ouvrir à l’intelligence organique vivante et évolutive qu’il porte en lui. Cette énergie de vie qui a créé l’être humain vient de loin, de bien plus loin que lui. Involontairement, il se laisse porter par cet organisme vivant et volontairement, il consent à aller dans le sens de cette puissance de vie.
  • L’humain a la conscience de voir qu’il est issu de ce levain et que celui-ci l’incite à poursuivre, à sa modeste échelle et pendant sa brève existence le voyage mouvementé de la matière vivante. La réconciliation avec sa propre nature lui permet d’exister pleinement.
  • Le vivant sait comment répondre de manière constructive et opérationnelle. Il revient à l’humain de prendre appui sur lui pour donner la pleine mesure de son intelligence. La réflexivité de l’Univers à travers lui ouvre un champ nouveau à l’intelligence organique : la possibilité d’accompagner ce mouvement en y participant consciemment. L’option à prendre est de laisser venir. Une écoute attentive à quelque chose d’indéfinissable, d’à peine perceptible qu’il peut discerner et sentir l’orientation qui se dessine organiquement.

Etre soi, hors des sentiers balisés, n’est pas une mince affaire mais un défi permanent. Chaque instant est un espace ouvert sur un possible non encore advenu. Dès lors qu’il existe un espace prêt à accueillir la vie, celle-ci n’a de cesse de se manifester. La nature humaine porte en elle l’évolution créatrice toujours prête à déplier ses ailes et profiter des courants ascendants pour commencer à monter et à s’élever dans un ciel plus vaste. Au dessus de son plan d’existence, l’humain a toujours le ciel tout entier.

Le cosmos est semblable à un organisme en développement qui tout en croissant, forme en lui de nouvelles structures
Rupert Sheldrake

2. La dynamique du retour au centre de soi

Liberté et engagement du sujet avec lui-même et avec les autres

La dynamique du retour au centre de soi, demande à l’humain d’accepter de se remettre en question, de s’adapter et de s’ajuster dans son rapport au monde.  Il ne peut se désolidariser de ce mouvement de vie qui l’habite et qui l’invite à éclore. Il ne peut que développer des capacités.

Faculté d’accepter de s’incliner devant l’autorité suprême

Quel que soit son âge, l’humain est en croissance tout au long de sa vie jusqu’aux derniers instants. Il est enveloppé par ce mouvement de transformation et création. Il ne tient qu’à lui de déplier, développer cette conscience plus vaste. Il est fondamental pour lui de se couler dans le processus vital.

Faculté de s’engager à être en accord avec le processus vital

La tendance formative est la capacité de l’Univers à créer de nouvelles formes. Il est fondamental que l’humain s’engage dans une attitude de non-directivité pour être en conformité avec cet ordre cosmique originaire

Faculté à aimer le changement et se laisser croître

La tendance actualisante est inscrite au plus profond de chaque être : il n’y a que le changement qui ne change pas. Chaque personne a des ressources et des compétences qui ne sont pas toujours utilisées mais qui sont prêtes à se révéler dans certaines conditions. L’identité de la personne est une identité mouvante.

Faculté de bonifier les attitudes facilitatrices chez la personne

Le regard positif inconditionnel est la capacité de suspendre tous jugements et de rester centré sur l’intention constructive de voir les potentialités et non juger les comportements et analyser les problèmes, les symptômes.

L’écoute empathique est la capacité d’entendre ce qui est autre et qui pointe son état. L’écoute empathique préserve l’identité/l’altérité en étant à la bonne distance : distinct mais pas distant. 

La congruence est la capacité d’accorder en permanence son instrument intérieur (corps-esprit-monde-création) pour rester au contact de ce qui est et de ce qui n’est pas afin que le mouvement de vie puisse se mouvoir librement.

3. La pertinence du corps sensible

Le monde subjectif de chaque personne est constitué d’une unité Sensible complexe : corps-esprit-monde-création. L’accordage de cette unité permet à la personne de vivre l’expérience du soi entre intériorité et extériorité et d’accéder à un mieux-être. Le Sensible est la faculté pour la personne de percevoir ses phénomènes internes qui animent son corps au cœur de cette unité corps-esprit-monde-création. Ce rapport conscient à cette unité peut fournir une somme d’informations supplémentaires à ajouter à celles habituellement recrutées pour faire un choix, prendre une décision, mener une réflexion ou s’orienter dans les chemins de l’existence. Cette expérience organismique, à partir de cette unité Sensible, se nomme experiencing.

Dans notre culture, la dimension du Sensible est négligée voir connotée, vue comme une féminité à redouter, considérée comme peu digne de confiance, peu sûre et peu crédible puisque sujette à fluctuations. Et pourtant, l’humain a besoin de sentir sa subjectivité si significative de liens avec lui-même et avec le monde. Il est fondamental qu’il rejoigne sa dimension plus substantielle, plus organique où son « je » est en direct avec la vie. Cette dimension expérientielle est toujours présente en toile de fond. L’humain est par sa nature un organisme vivant relié à un gigantesque tissage en permanence réactivé par l’incessante actualisation du mouvement de vie.

Revenir encore et toujours à l’experiencing

Ce par quoi la vie se fait connaître, au plus enraciné de son être profond, au plus incarné de son être-au-monde.

Se rapprocher de sa dimension expérientielle via le sens corporel du moment présent permet à la personne de trouver un appui interne fiable, une assise solide.  Toute ce qui se manifeste se fait connaître par l’attention que la personne lui porte, une attention tournée vers l’intérieur, à l’écoute de ce qui se dessine corporellement. La personne fait alliance avec ce qui est présent dans son corps. Pour expliciter son rapport au monde, la personne a besoin de sentir d’abord pour ensuite savoir. Elle vérifie que ce qu’elle dit est bien au contact avec ce qui est en jeu organiquement.

Ce lieu/processus d’évaluation

C’est à partir de ce lieu que la personne évalue les situations qu’elle vit, qu’elle s’oriente dans l’existence et qu’elle ajuste ses comportements et non plus à partir du mental. Dans son rapport au monde, la personne ressent d’abord ce qui se vit dans son corps, puis grâce à son esprit, elle explicite ce qui se passe en vérifiant en permanence que les mots se rapprochent le plus possible de sa réalité intérieure et quand la voie s’ouvre le mouvement de vie se créé. (corps-esprit-monde-création).

Un vaste tissage, une intrication implicite

Grâce au procès, la personne, en osmose avec ce vaste tissage organismique, créé des ponts, contourne des obstacles, facilite la circulation d’informations, l’émergence de connexions et de rapports nouveaux.

Une conscience élargie par le biais du sens corporel

L’experiencing est un flux qui offre une ouverture sur l’incréé, avec de nouveaux horizons comme autant de capacités, d’aptitudes et de ressources à exploiter. Le contact avec l’experiencing est une recherche de congruence toujours remise en question au fil des événements. Une conscience élargie s’éveille à son contact pendant le procès en cours.

Me référer à l’experiencing est une manière fiable de devenir qui je suis en suivant ma voie en trouvant l’orientation à suivre. Je peux asseoir une confiance profonde au soi. Cette confiance au soi, génératrice de soi, m’offre la possibilité de rejoindre consciemment le processus créateur et inventif de la vie, de ma vie. J’acquière la capacité de saisir quelque chose de l’experiencing sur le vif et de m’y accorder.
Agnès Besson

4. Le processus d’autoréférence

Qu’est-ce que l’autoréférence ?

Ce qui m’apparaît à moi n’apparaît pas à l’autre. Puisque chacun vit sa propre vérité, la vérité absolue n’existe pas. La réalité n’existe pas par elle-même hors d’un rapport à l’organisme qui la fait vivre. L’autoréférence est l’action qui consiste à faire référence à soi-même. L’autoréférence est complexe. L’être humain a développé des facultés cognitives complexes qui paradoxalement l’éloignent du vivant et l’entraîne dans des désaccords internes/externes (incongruence). L’autoréférence est un apprentissage du savoir qui demande d’acquérir l’aptitude d’opérer en soi un changement qui fasse apparaître les choses « bonnes » au contact du vivant qui actuellement apparaissent et semblent « mauvaises » coupé du vivant.

Vers une autoréférence de qualité

Parler au nom de « je » c’est parler à partir de son propre centre, le centre de son monde. « Je » est le lieu d’autoréférence où la rencontre se fait harmonieusement entre son propre monde intérieur et le monde extérieur (corps-esprit-monde-création). Ce lieu d’autoréférence n’est pas un plein de contenu appris et conditionné mais un plein de circulation de vie toujours jaillissant. L’accord corps-esprit-monde-création est sans cesse à retrouver. Le retournement au centre de soi-même est incontournable pour ajuster son positionnement afin de vérifier si ses propres représentations sont en rapport au vivant qui s’écoule en soi-même où si elles sont le fruit d’interprétations erronées. Les représentations sont profondément positives quand elles proviennent du vivant à l’intérieur du soi. La qualité du rapport corps-esprit-monde-création est à la base d’un fonctionnement « sain » de l’être humain. La sécurité existentielle advient quand « je » suis là pour réguler la bonne marche du vivant.

L’attention vigilante à maintenir les gestes mentaux

L’écoute expérientielle est une écoute cénesthésique (approche phénoménologique). Qu’est-ce que la personne écoute ? Elle écoute le sentiment vague qui est présent (sens corporel organique). Elle écoute ce qui veut être, qui est dans l’urgence d’être. Cette ouverture expérientielle nécessite la mise en place d’une manière de procéder. Il s’agit, pour la personne, d’une succession de gestes mentaux pour s’écarter de ses mentalisations a priori en tournant son attention vers l’intérieur afin d’écouter les sensations, les impressions en lien avec le moment présent. Cela lui demande d’être dans une attitude de réceptivité pour sentir et percevoir le feeling global en arrière-fond. Pour cela, elle met en sourdine l’activité « penser » habituelle en posant son attention sur la résonance des mouvements organismiques. L’acte volontaire/décisionnel se résume à l’intention de porter son attention à ce qui se passe expérientiellement et à rester avec. La personne reste vigilante à maintenir cette attention car elle ne peut arrêter ses pensées, elle dirige son attention sur la résonance. Ainsi elle la place au premier plan. Ce qui était flou va devenir de plus en plus net. Lorsque la personne reste réceptif et à l’écoute, quelque chose apparaît et se laisse deviner. Ce quelque chose en se dessinant plus nettement devient sens corporel.

L’autoréférence est inséparable de l’holo-mouvement

Pratiquer l’autoréférence, c’est redonner de l’unité aux pôles : « corps-esprit-monde-création ». Cette unité ne peut émerger que dans un double mouvement. Ce double mouvement est un va-et-vient permanent qui apporte de la congruence.  Ce double mouvement se nomme holo-mouvement : un mouvement qui va de l’implicite vers l’explicite et de l’explicite vers l’implicite.

Focusing : l’approche centrée sur l’experiencing

Gendlin a mis en place une méthodologie appelé Focusing qui facilite l’approche de l’experiencing. Il fait ressortir 6 étapes (dégager un espace/laisser venir le sens corporel/trouver une prise/faire résonner/interroger/accueillir) qui s’appuient sur le processus organique en cours. A partir de l’écoute expérientielle, la personne se laisse guider de l’intérieur vers la résolution de sa question.  Le Focusing permet à la personne de prendre appui sur sa propre autorité : son processus d’autoréférence.

La pratique de l’autoréférence

Le mouvement de vie est imprévisible, spontané, innovateur, intuitif. C’est dans cet accordage interne subtil que le moindre désaccord se fait entendre et retentir comme une alerte, un appel au changement. Chaque carrefour, chaque croisement, chaque situation existentielle est un défit pour la vie. La pratique de l’autoréférence, à travers l’holo-mouvement exige une présence vigilante, délicate et déterminée. Cette manière d’être conduit la personne à se frayer un chemin toujours mouvant et créatif face aux sollicitations de la vie. Les obstacles sur la voie sont une provocation à trouver l’inspiration pour aller de l’avant. C’est quitter la peur et retrouver cette joie d’expérimenter la vie dans toute sa complexité. La personne retrouve à la fois les qualités du petit enfant en prise directe avec sa sensibilité organismique et les qualités de l’adulte en prise directe avec une pensée élaborée.

5. « Je » est un autre

« Je est un autre » signifie que la personne est un être multiple qui se métamorphose tour à tour, jour après jour, un kaléidoscope à facettes. A elle de se laisser chanter et danser harmonieusement comme un opéra fabuleux. La citation du poète si paradoxale : « Je est un autre » porte la réflexion profonde de notre rapport intime existentiel entre identité et altérité. En laissant de la place à cet autre à l’intérieur et à l’extérieur de soi, la personne se réalise en tant que sujet qui s’éprouve dans son rapport à autrui.

Je deviens qui je suis

A l’écoute du procès, la personne discerne les phénomènes des noumènes. Elle aborde les situations en agissant à partir de son centre. Elle honore la poussée d’Archimède. Elle regarde son intériorité avec lucidité. Elle développe une conscience organique en laissant le processus expérientiel s’accomplir de lui-même dans la direction de sa croissance.

La manière d’être à Soi au contact de son devenir

  • Ecouter dans le sens de la tendance actualisante
  • Etre en prise directe avec le mouvement organismique
  • Dépasser le cadre de l’intention consciente : ce que la personne connait d’elle-même ou crois connaître d’elle.
  • Contacter la tendance actualisante dans sa globalité organismique. Il y a dans tout organisme vivant une source d’énergie directionnelle qui est digne de confiance propre à l’organisme tout entier plutôt qu’à une partie de celui-ci. L’humain vit le plus souvent à partir de ses pensées, ses émotions et autres tractations mentales auxquelles il a tendance à s’identifier et qu’il prend pour la globalité du vivant.
  • Accéder à sa propre source d’informations plus vaste directement d’actualité.
  • Passer des états mentaux de fixité au flux organismique global. L’holo-mouvement permet à la personne de réévaluer, réajuster d’instant en instant l’explicitation venu de l’implicite.
  • Contacter le sens corporel du moment qui n’est jamais le même. La personne se nourrit de la richesse expérientielle que ce sens corporel contient, essentiel à son épanouissement.
  • Ecouter l’intention impliquée (intention/implication présente). La personne permet à ce qui est bloqué (ses états mentaux) de reprendre leurs développements (processus). Elle encourage et soutient le processus dans son intentionnalité profonde : Qu’est-ce qui vient là ? Vers quoi ça voudrait aller ? Qu’est-ce que ça veut vraiment me montrer ? Elle reste au centre d’elle-même. Elle est sujet de l’objet qu’elle observe (ce qui est empêché, retenu, freiné ou entravé). Dans ce vis-à-vis, le « ça » manifeste à la fois l’indice d’un blocage et l’appel à se délier. Dans l’entre de ce vis-à-vis, le « ça » a besoin de se nourrir de l’experiencing pour trouver une nouvelle voie en adéquation avec le moment.

Le renversement épistémologique et sémantique (metanoïa)

Cette manière d’être à soi permet à la personne de :

  • Laisser la place au « ça »
  • Penser organiquement : « tenir et laisser »
  • Développer une attention focus et panoramique
  • De se ressourcer en permanence à l’expériencing
  • De se tenir à la lisière de l’implicite/l’explicite pour sentir et être consciente du « ça »
  • Retrouver son soi souverain relié à la puissance de l’expériencing
  • Laisser renouveler son « moi » (identité/altérité)
  • Sentir les bienfaits de l’unité corps-esprit-monde-création
  • De cesser d’être une représentation parcellaire d’elle-même
  • De s’en remettre à plus grand que Soi, au plus grand de Soi

La personne ne peut se contenter de camper sur ses positions. Inlassablement, le vivant pousse la personne à reprendre son bâton de pèlerin et à faire le pas qui la conduit vers un contact plus étroit avec elle-même. Dans cette perspective, elle se rend disponible à ce qui se manifeste au plus Sensible d’elle-même, au-delà des représentations connues. Elle recontacte peu à peu la dimension expérientielle en se rapprochant de ce qu’elle éprouve. Elle s’appuie sur son repérage interne en évaluant ce qu’elle énonce vis-à-vis de l’écho expérientiel qui s’en dégage. Le renversement épistémologique et sémantique donne la priorité aux attitudes et aux gestes intérieurs capables de faciliter l’émergence. Le lieu de la metanoïa est le lieu de l’expérience vivante du changement, le présage du papillon.

6. La relation d’aide

En thérapie ACP/FOCUSING, le thérapeute soutient le processus d’actualisation. C’est au cœur de ce processus de pertinence intérieure que le client trouve un équilibre, une totalité non pas dans le sens d’une homéostasie où il retrouverait un état antérieur mais plutôt dans le sens d’un déploiement vers quelque chose de nouveau qui cherche à devenir un peu plus. La relation client-thérapeute est une alliance au service du vivant. Le thérapeute encourage cette manière d’être à soi et en favorisant l’accès au procès. Il porte son attention à aider son client à demeurer à l’écoute de l’indéfini et à pointer ce qui est significatif pour lui.

Il créé un espace interactif au service de :
  • Créer un espace interactif sécurisant avec les trois attitudes facilitatrices
  • Aider le potentiel de situation à advenir
  • Maintenir la pertinence de l’écart
  • Dynamiser l’altérité
  • Clarifier l’alliance (Le client est une personne explicitement « démunie » mais pourvue de ressources. Il a les capacités de s’ouvrir à un changement venu de l’intérieur comme une aspiration à être autrement. Le thérapeute, lui, est une personne explicitement « experte » avec des ressources mais « démunie » de réponses toutes faites. Il est là pour accompagner son client sur des territoires peu fréquentés.)
Il est dans une posture vigilante vis-à-vis du client
  • Il garde la double focale
  • Il pointe le cadre de référence interne du client
  • Il restitue des réponses empathiques
  • Il se réfère en permanence au feeling global pour offrir une empathie/congruence vivante.
  • Il actualise en permanence l’explicitation par holo-mouvement.
  • Il laisse pleinement la création se manifester (tendances formative/actualisante).
Il fortifie les points d’appui
  • Les images/métaphores
  • La gestuelle
  • La sensation
  • L’émotion
  • Le processus vivant
  • Le sens corporel (le sens ressenti – le sens signifiant – le sens directionnel)
Il est dans une démarche d’autonomisation
  • Il place la personne au centre du processus.
  • Il aide la personne à passer d’un cadre de référence externe à un cadre de référence interne.
  • Il invite la personne à vérifier la justesse de ce qu’elle exprime et de valider l’expression ressentie.
  • Il se laisser toucher par ce qui émerge chez la personne. Dans ce vis-à-vis avec le client, le thérapeute se réfère en permanence au feeling global pour offrir une empathie/congruence vivante. Il ne cesse de replacer le client dans son propre pouvoir personnel (auto-référence client) et d’être vigilant à rester lui-même au centre de son propre pouvoir (auto-référence thérapeute). C’est dans cet entre (là où se mêle et se touche le monde du client et le monde du thérapeute) que l’expérience s’ouvre dans l’interaction en lien direct avec l’experiencing.
  • Il est confiant dans les ressources et le potentiel émergeant qui habitent la personne.
Il rejoint la personne dans son besoin existentiel :
  • De se sentir rejoint là où il en est.
  • D’avoir accès à ce qui se joue au cœur de sa dynamique interne.
  • D’approcher sa dimension expérientielle pour contacter sa pulsation de vie qui la porte à oser être qui elle est vraiment.
  • Partager ses expériences avec un autre pour se sentir vivant dans son intégralité (corps-esprit-monde-création).

7. Conclusion

L’Univers fastueux et fascinant se déploie depuis le big-bang. Parvenir à dire « j’existe » en tant qu’être humain a demandé à l’Univers plusieurs milliards d’années. L’être humain a besoin de s’élever au dessus de la précarité de sa vie qui a une durée brève pour atteindre la grandeur et la dignité de sa conscience consciente d’elle-même. L’Homme peut se grandir et évoluer quand il se réconcilie avec sa condition humaine ce qui lui permet de s’élever à une conscience plus grande capable d’exprimer des choses venu d’ailleurs comme sortie du livre des significations ressenties de l’Univers. L’homme porte en lui le potentiel de transformation lié à la dynamique de l’Univers processuelle. Chaque être humain peut chanter et danser librement l’expérience cosmique unique et originale qui est la sienne. Il peut créer sa propre manière de vivre éthique, solidaire, humaniste, écologique au service du vivant. Il se doit à lui même d’accorder son instrument intérieur (corps-esprit-monde-création). C’est au travers de ses multiples essais, tâtonnements que progressivement, il peut renverser sa manière d’être au monde. Il peut trouver la justesse de son positionnement pour être synchrone avec ce qui veut éclore en lui. Il peut toujours s’accorder une seconde vie dans le sens de ce qui suit. Ainsi, en faisant évoluer son intelligence organismique, il contribue à ouvrir une voie nouvelle pour lui-même et pour l’humanité.

Comme un chanteur dans un chœur, un moi suffisamment fort dans sa subjectivité s’affirme en se prémunissant contre les risques de dépendance à autrui et les pressions d’altération (ou de conformité) : il le fait non pas en rejetant la résonance aux autres, en se raidissant défensivement mais en vérifiant sur lui-même, sur sa note intérieure profonde.
C. Rogers